Première impression lorsqu’on franchit la porte de cette bâtisse du XIXe siècle : sa décoration intérieure futuriste lui va à merveille. Immenses lampes en forme de réacteurs ; leitmotiv de cubes lumineux omniprésent, de l’accueil au foyer du théâtre, pièce principale du lieu ; signalétique 8-bit et old school à souhait ; bref, on se sent bien au chaud dans ce nouveau cocon high-tech. Deuxième bonne surprise : le chaleureux accueil de l’équipe du lieu, qui nous informe – et c’est la troisième bonne surprise – que l’accès aux principaux endroits de la Gaîté est gratuit. On accède donc librement à la salle de jeux, où huit bornes équipées de Xbox 360 permettent de jouer en famille à des créations indépendantes telles que “Limbo”, “Pixel” ou “Braid”, ainsi qu’à l’avant-dernier “Prince of Persia”. On accède ensuite à une bibliothèque où livres sur la culture numérique et magazines vidéoludiques attendent les digital natives ; une sélection enfantine se niche même dans un coin douillet. C’est également ici que l’on peut visionner des films en images de synthèse tels que l’excellent court métrage français, “Oktapodi”. Puis on monte au deuxième étage pour une quatrième bonne surprise : un concert, dans la série “Ambient Sunday” de la Gaîté. L’un des trois concerts hebdomadaires du lieu, qui permet de découvrir dans de bonnes conditions les nouveaux talents musicaux (10 euros plein tarif, 8 euros tarif réduit) dans un étonnant décor argenté. Ce jour-là, il s’agissait du très innovant Peter Broderick, qui joue du folk façon Fleet Foxes tout en samplant ses propres sons (voix, instruments) pour rejouer dessus, en direct. Alliance parfaite de tradition et modernité, Broderick n’aurait pu espérer trouver un lieu mieux adapté à sa musique. Enfin, après une courte pause pour se rafraîchir au bar du foyer de l’ancien théâtre, on redescend au rez-de-chaussée pour une nouvelle découverte : une immense installation murale où une série de pyramides s’allume en séquence, avec accompagnement sonore. Le son est également au centre d’une autre installation, juste à côté. Dans cette “chambre sonore”, une petite pièce dont les murs sont tapissés d’enceintes, se trouve “Les Fenêtres”, une création de Scanner en collaboration avec UVA (United Visual Artists, les Bri tanniques ayant fait l’ouverture de la Gaîté) à base d’improvisations inspirées de Charles Baudelaire. Ces citations sont accompagnées d’un jeu de lumière pour le moins déroutant. Au terme de ce parcours, on n’est fort heureusement pas confronté à l’habituel magasin de souvenirs cher à la plupart des musées, mais à un concept store signé Amusement, “alt-magazine” vidéoludique du très inspiré Abdel Bounane. Au programme : lampadaires Star Wars, jeux d’échecs Super Mario Bros., modèle réduit de la voiture de “Retour vers le futur”, lunettes infrarouges, et des centaines d’autres objets soigneusement choisis pour le bonheur des geeks en tous genres. En somme, même sans exposition – la prochaine aura lieu du 21 avril au 27 mai, autour du studio de design Universal Everything –, la Gaîté lyrique est un lieu qui vaut très largement le détour. Sa programmation musicale pointue, son design radical, son atmosphère décontractée et chaleureuse, et surtout sa façon inédite d’accueillir à bras ouverts la création numérique sous toutes ses formes – en communauté au sens large, c’est à- dire pour tous – sont autant de raisons d’y passer sans tarder.