Il existe encore à Paris des terrains vagues appartenant à la Ville, coincés entre deux immeubles, non constructibles et ne pouvant donc faire l’objet de convoitises immobilières. Ouvrez l’oeil dans votre quartier, car vous pourriez transformer un petit lopin de terre en véritable oasis urbaine avec l’aide des vos voisins. Ça vous tente ? Ça s’appelle le jardin partagé. Encastré entre deux immeubles, un terrain attire l’attention. Ou serait-ce plutôt le vert qui aguiche l’oeil urbain ? Un grillage, un grand carré de végétaux divers, et un panneau de bienvenue dans le “jardin Baudélire”. Nous sommes dans le 18e arrondissement, pas loin de la Mairie et du métro Simplon. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette vision surprend. Bah oui, ce genre de parcelle vierge de béton dans Paris, c’est plutôt rare. En général, c’est une friche avec un immense panneau signé d’un géant du bâtiment annonçant qu’un immeuble flambant neuf va bientôt y pousser, plutôt qu’un potager. Mais ces jardins d’un nouveau type commencent à faire des petits dans la capitale, où l’on en dénombre déjà une cinquantaine. Il ne s’agit pas de parcs publics, car beaucoup plus petits, et ouverts uniquement le week-end. C’est ce qu’on appelle le jardin partagé, et il faut avoir la clé. Il est né à l’initiative des habitants du quartier, qui se sont regroupés en association pour pouvoir bénéficier d’un terrain alloué par la Ville de Paris et mettre ainsi les mains dans la terre. On imagine la motivation, la patience et le courage également, car se faire attribuer un bout de terre dans la capitale juste pour en faire un jardin n’est pas chose facile, d’autant que de tels lopins sont rares. Mais au bout du compte, la persévérance paie. En créant une association pour le jardin partagé, on doit aussi adhérer à la charte Main Verte, pour s’engager ainsi à cultiver de façon écologique, c’est-à-dire sans pesticides ni engrais. Au mois de mai, ce sont trois nouveaux lieux, avec le jardin Baudélire, qui ont été inaugurés en grande pompe, créant ainsi un micro-événement dans les quartiers. Le Bois Dormoy, 2 000 mètres carrés cité de la Chapelle dans le 18e, se veut une petite forêt urbaine et un refuge pour les oiseaux. Le jardin Croulebarbe, dans l’enceinte du square René Le Gall dans le 13e, est une toute petite surface de 200 mètres carrés. Le maire de l’arrondissement a néanmoins fait le déplacement le jour de l’inauguration : c’est dire si ce genre d’initiative est plus qu’encouragé officiellement en ce moment. Alors, si vous avez, vous aussi, envie de créer un jardin avec vos voisins et les habitants du quartier, vous l’avez compris, la première chose à faire est de se regrouper en association et de trouver un joli petit nom pour votre terre. Ouvert en 2005 sur une friche pentue de 1 000 m2 le long des voies du RER B, le jardin de l’Aqueduc est aujourd’hui une oasis urbaine entretenue par des passionnés, où se côtoient légumes, vignes, fleurs, et même des ruches. Les habitants ont choisi de l’appeler ainsi en référence à l’édifice construit sous Catherine de Médicis pour alimenter Paris en eau potable. Ce terrain est divisé en petites parcelles de deux mètres carrés que cultivent en toute liberté plus de 280 Parisiens. Cependant, seuls les membres peuvent jardiner, pour des questions d’assurances. Venir au jardin, ce n’est pas non plus juste travailler sa parcelle, il y a aussi des espaces communs comme celui pour les enfants. Il y a également un encadrement pédagogique à assurer auprès des scolaires en visite, sans oublier la vigne à entretenir collectivement. Ici, dans ce paradis urbain, les places sont chères, car il n’est pas extensible. Il paraît qu’on peut attendre jusqu’à deux ans pour obtenir une parcelle ou pouvoir en entretenir une déjà existante, avec un voisin sympa qui vous laisserait mettre vos mains dedans… Le jardin partagé est surtout une expérience vecteur de lien social. Situé dans le 20e arrondissement, dans le quartier populaire des Vignoles en pleine réhabilitation, le Jardin Solidaire est né en 2000 à l’initiative d’un artiste plasticien, Olivier Pinalie, et de quelques habitants. Ensemble, ils décident de s’emparer d’une friche de 2 500 m2, un terrain vague à l’abandon qui contribue à donner une mauvaise image au secteur. Les premières années, le projet prend des airs de véritable chantier, puis l’endroit devient enfin accueillant et s’ouvre plus largement. Une multitude de fêtes conviviales y sont alors organisées : celle de la Musique, mais aussi des pique-niques, des ateliers divers avec les enfants, etc. Le jardin partagé permet cette chose essentielle : rompre avec l’anonymat de la rue. Malheureusement, le Jardin Solidaire a dû disparaître en 2005 pour laisser la place à un gymnase, des logements sociaux et un parking souterrain, projets qui étaient prévus depuis dix ans. C’est le marché qui avait été passé, et un sacré défi que les habitants du quartier ont su relever. Tous ces jardins nés d’initiatives particulières montrent que beaucoup de Parisiens souhaitent que la végétation soit plus présente en ville. Ils ont besoin de jardiner et d’avoir un contact direct avec la nature, tout en étant responsables d’un petit coin de terre. Cet été, saison propice au farniente, un jardin partagé parisien différent est ouvert à tous chaque jeudi en fin de journée, pour un pique-nique. L’idée ? Mettre les petits pots dans les grands, casser la graine, s’échanger des tuyaux… Vous l’aurez compris, il s’agit de se rencontrer entre passionnés qui possèdent ou pas un jardin. Et de quoi on causera ? Sans aucun doute de compost, de récupération d’eau, d’association de plantes, de ruches… Particulièrement accueillant, le lieu présentera bien sûr ses réalisations et pratiques, histoire de vous donner les bonnes idées à suivre. L’urbain bobo serait-il en train de se transformer en paysan moderne ?